Se voir : représentations des élèves « à succès » et effacement de la jeunesse Noire
Les Canadiens, en particulier les Torontois, affichons notre diversité, notre inclusion et notre société « mosaïque ». Toronto est l’une des villes les plus diversifiées au monde, ce qui me rend fier et me donne un avantage dans ce monde globalisé.
Cependant, nous avons encore du travail à faire pour vraiment connecter la diversité et les opportunités. Le simple fait d’avoir des personnes de différentes couleurs vivant ensemble à l’intérieur des limites de la ville ne crée pas une société égale et diversifiée.
D’un côté, nous louons notre diversité, mais en même temps nous ignorons, opprimons et sapons les communautés qui nous rendent divers. Par exemple, les jeunes racisés ont plus de mal à trouver un emploi rémunérateur et valorisant. Ils ont également des rencontres négatives avec la police. Les jeunes racisés sont aussi plus susceptibles de suivre des cours appliqués plutôt que des cours théoriques et ont des taux d’obtention du diplôme d’études secondaires et postsecondaires plus faibles. Tout cela crée un environnement d’apprentissage hostile et va à l’encontre d’opportunités et de résultats équitables. Dans ce contexte, les représentations publiques d’une jeunesse Noire « réussie » et « à succès » sont cruciales pour notre ville. Il est préjudiciable à chacun d’entre nous lorsque les succès de la jeunesse Noire sont ignorés, cachés ou effacés.
Cet été, alors que je prenais l’autobus 195 Jane pour me rendre aux bureaux de YouthREX à l’Université York, je me suis retrouvé à penser à mes jeunes années à grandir en tant que jeune Noir à Toronto. Dans l’autobus, je suis passé devant les terrains de basket-ball qui offraient à mes amis et moi un endroit sécuritaire pour la compétition et la socialisation, les entreprises Noires qui m’exposaient aux nombreuses cultures diverses au sein de la communauté Noire et l’école secondaire qui a joué un rôle déterminant dans le développement de mon identité Noire. Ces merveilleux piliers du Toronto Noir ne sont pas véritablement représentés dans une chanson de Drake ni vus dans une brochure touristique. Ce Toronto ne devrait pas seulement être mis en évidence pendant Caribana¹, ou à la suite d’un incident violent impliquant de jeunes Noirs.
Ce Toronto est composé de personnes Noires des différents pays d’Afrique, des Caraïbes et de ceux qui sont ici depuis des générations, mais à qui l’on demande toujours d’où ils viennent?
Quelque chose m’a frappé alors que je passais devant mon ancienne école secondaire : deux grandes affiches annonçant l’école montraient chacune deux étudiants blancs et deux étudiantes asiatiques. Cette école secondaire est une école publique académique forte. L’école est majoritairement Noire avec une importante population Sud-Asiatique et Hispanique. Je chéris cette école, car elle est l’une des très rares écoles secondaires non religieuses à Toronto qui offre aux étudiants de couleur et à faible revenu une chance équitable d’aller à l’université et d’atteindre leur plein potentiel. Grâce à des enseignants et des conseillers engagés, cette école a acquis une réputation solide parmi la communauté Noire.
Néanmoins, mon alma mater ne reconnaissant pas l’existence positive des personnes Noires à Toronto est un acte discriminatoire. Les annonces affichent une image délibérément fausse de l’école, je ne peux que supposer, afin d’attirer les étudiants blancs. Les affiches rejettent les nombreux étudiants Noirs qui font de l’école ce qu’elle est, pas seulement en nombre, mais en caractère.
J’étais indigné en pensant à mes camarades de classe de couleur et à moi qui faisions partie d’équipes sportives, participions à des clubs scolaires et figurions régulièrement au tableau d’honneur. L’affiche m’a fait sentir que les efforts que nous déployons ne seraient jamais assez bons, car nous n’avons pas la peau blanche.
Ces affiches montrent de manière problématique l’échec de cette ville à vraiment reconnaître la diversité. Bien que la ville affiche symboliquement sa diversité à de rares occasions, il ne s’agit que d’un effort de surface. L’opinion dominante est toujours que le citoyen et l’étudiant idéal sont blancs. Les contributions positives des personnes Noires sont régulièrement ignorées. C’est dans ce contexte que les politiciens, les décideurs, les administrateurs scolaires et les enseignants posent la question « pourquoi les élèves Noirs sont-ils désenchantés par l’école ? »
Cela tient en grande partie au fait que des annonces comme celles affichées bien en vue par mon alma mater nous rappellent que peu importe nos efforts ou notre présence, nous ne pourrons jamais nous intégrer dans le Toronto « parfait ». La négligence raciale est la loi du pays. Les Canadiens font des déclarations comme « eh bien, au moins, nous ne sommes pas aussi mauvais que les États-Unis ». S’il vous plaît, croyez-moi quand je dis cela, d’une personne qui a passé la moitié de sa vie dans des écoles américaines, ces affiches n’existeraient jamais dans une école américaine avec un nombre important d’étudiants Noirs.
Si Toronto veut vraiment servir ses communautés de couleur et adopter une vraie diversité, alors agissons en conséquence.
Faisons en sorte que nos communautés Noires soient les bienvenues non seulement en applaudissant arbitrairement la diversité, mais en célébrant fièrement les jeunes Noirs qui restent à l’école et contribuent à notre ville afin que nous puissions nous voir apparaître sur des affiches aux yeux de tous.
¹ Célébration annuelle des personnes et des cultures des Caraïbes à Toronto.